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A model for predicting harvests

Dans de nombreux pays, en particulier en Europe, l’asperge est le légume qui annonce le retour du printemps et de la nouvelle saison.

La date de son apparition ainsi que l’évolution des volumes de production sont très influencées par les conditions météorologiques de l’hiver précédent dans les bassins de production (du sud au nord). De plus, la consommation de ce « légume de printemps » et « légume plaisir » est elle aussi affectée par la météo parfois capricieuse de cette période de l’année.

Ce jeu entre offre et demande constitue la base de la fixation des prix de l’asperge, et donc de la rentabilité de la culture. Pouvoir anticiper la dynamique de production est donc un atout décisif, en particulier lorsque l’asperge est commercialisée par les chaînes de grande distribution (hypermarchés, discounters), qui exigent une planification des approvisionnements et des prix.

En France, où la production totale avoisine les 25 000 tonnes, l’asperge est produite dans tout le pays, avec de grandes surfaces situées dans les Landes, le Maine-et-Loire, la Gironde, le Gard et le Bas-Rhin.

Mieux anticiper la dynamique de production

« Les prix sont généralement élevés au début de la campagne, avec des cotations au stade expédition, fin février pour les Landes, autour de 12 €/kg (asperges blanches, sud-ouest, catégorie 1, calibre 16–22 mm), car les informations sur les volumes restent confidentielles », explique Astrid Etèvenaux, directrice de l’IGP nationale Asperges de France. Puis, les prix chutent fortement jusqu’à fin mars, moment où tous les bassins sont en production, avec un rebond des prix autour de Pâques, avant de redescendre jusqu’à la fin de la saison, atteignant leur niveau le plus bas (entre mi-mai et début juin) : 3 à 6 €/kg au stade expédition (asperges blanches, sud-ouest, catégorie 1, 16–22 mm). « C’est autour de Pâques que les consommateurs attendent le plus l’asperge, c’est donc là que l’on espère atteindre le pic de production. Le prix moyen en magasin se situe entre 5 et 7 € par kilo », ajoute Etèvenaux.

Face à cette situation, les membres d’Asperges de France réfléchissent depuis plusieurs années à la création d’un outil d’aide à la décision permettant de mieux anticiper la dynamique de production des plantations d’asperges. Un tel modèle permettrait d’optimiser la communication entre professionnels, notamment avec les grandes enseignes, et d’organiser les travaux de récolte et de conditionnement.
À long terme, il permettrait aussi d’anticiper les conséquences du changement climatique sur la filière.

Asperges de France, en collaboration avec les stations de recherche INRAE et Invenio, travaille au développement de ce modèle. La première étape a consisté à identifier les principaux paramètres biologiques et techniques liés à la cinétique de production des aspergeraies.

« Le premier prototype visait à estimer la date du pic de production. Nous nous sommes concentrés sur l’impact de la température sur l’initiation et la vitesse de croissance. Nous avons relevé les températures de l’air dans plusieurs bassins, et les avons transformées en température des buttes couvertes, à différentes profondeurs. Nous avons ensuite calculé la date théorique à laquelle les besoins en froid et en chaleur de la plante sont atteints, à partir de données scientifiques », explique Émilie Casteil, cheffe de projet chez Asperges de France.

La capacité à anticiper la dynamique de production est un levier clé pour planifier les approvisionnements et les prix.

Autres facteurs à prendre en compte

Les données recueillies auprès des producteurs membres ont permis de construire un prototype pour estimer les pics de récolte des années passées. Les premiers résultats sont très encourageants et indiquent que la méthode est adaptée à l’asperge. « Le pic de production est estimé avec une précision moyenne de 6 jours, allant de 1 à 13 jours selon les années. Mais le prototype actuel ne permet pas encore d’estimer la date de début de récolte ni le rendement prévisionnel », précise Casteil. Le travail va se poursuivre par la collecte de données supplémentaires afin d’affiner le modèle et d’en améliorer la fiabilité et la précision. « Il est nécessaire d’intégrer d’autres facteurs comme la variété et l’âge de la plantation, la gestion des films plastiques (côté noir ou blanc), l’ensoleillement, et les réserves stockées dans la griffe », poursuit Casteil.

Un doctorant devait être recruté en 2023 pour approfondir ces recherches. À terme, cela devrait permettre aux producteurs de s’appuyer sur ce modèle pour leurs décisions. Enfin, dans un contexte de changement climatique, cet outil permettra aussi d’évaluer son impact sur la production d’asperges dans les différentes régions françaises. Les attentes des producteurs sont fortes, et les premiers résultats sont jugés prometteurs. Selon Asperges de France, le modèle pourra être transposé à l’asperge verte, les données d’entrée étant identiques. Il faudra cependant l’adapter à ses spécificités de culture : pas de buttes ni de films plastiques, ce qui implique une autre approche thermique. 

Les défis de l’estimation de la production française

La production française d’asperges s’élève à 25 800 tonnes sur plus de 6 500 hectares. La France compte cinq grands bassins de production (Landes, Maine-et-Loire, Gironde, Gard, Bas-Rhin), mais l’asperge est cultivée dans l’ensemble du pays. Cette fragmentation de la production, avec peu de structuration entre producteurs, rend difficile l’estimation des dynamiques de production pendant la saison.
La récolte commence en février dans les premiers bassins (Landes), et se termine en juin dans les derniers (Maine-et-Loire). Selon les données Kantar, 58 % des achats d’asperges se font en grande distribution (hypermarchés, supermarchés, EDMP, GSF), 23 % sur les marchés locaux, 10 % chez les primeurs, et 8 % en vente directe.

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